Comment disparaître d'internet ?
Édito : Aujourd’hui, nos données personnelles circulent partout sur le web (réseaux sociaux, forums, moteurs de recherche). Or même des informations « banales » comme votre nom ou vos photos de vacances peuvent être détournées (vol d’identité, arnaque sentimentale, usurpation de compte). Pour maîtriser votre vie privée, il est possible de réduire au maximum votre présence en ligne. Voici les étapes clés pour faire le point sur vos données et les supprimer autant que possible.
Dans les pays connectés, la numérisation de la vie quotidienne a explosé. En France par exemple, 92 % des foyers sont connectés (avec en moyenne 6,5 appareils par maison) et le temps passé sur le Web a été multiplié par quatre en dix ans. À l’ère du tout-en-ligne, maîtriser son empreinte numérique est donc devenu essentiel.
1. Faites le point sur vos données en ligne
Commencez par Googlez-vous (entre guillemets pour votre nom complet, adresse e-mail, surnom, ancienne adresse…) et notez ce qui apparaît. N’oubliez pas de tester Google Images en téléchargeant une photo de vous – la recherche inversée vous indiquera quels sites la republient. Utilisez des outils automatisés pour scanner votre présence : par exemple, le service WebCleaner (gratuit) analyse le web pour repérer vos informations personnelles (nom, téléphone, adresse…) et facilite leur suppression. Ce type d’outil vous fournit un rapport des pages où figurent vos données et des liens de suppression éventuels.
. Recherches alternatives : fouillez aussi sur d’autres moteurs (Bing, DuckDuckGo) et sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, LinkedIn) avec votre nom. Vérifiez vos anciennes participations sur des forums ou annuaires publics.
. Annuaire d’anciens comptes : si vous retrouvez d’anciens identifiants (forums, newsletters…), essayez de vous reconnecter pour supprimer les comptes ou désabonnez-vous des newsletters.
2. Contrôlez les fuites de données (adresses e-mail, mots de passe)
Vos informations (adresses e-mail, mots de passe, etc.) peuvent fuiter via des piratages de sites. Pour le savoir, entrez votre adresse e-mail sur le site Have I Been Pwned (HIBP) ou sur Firefox Monitor (service Mozilla). Ces outils gratuits comparent votre e-mail aux bases de données piratées connues. En quelques secondes, vous saurez si vous figurez dans une fuite récente.
Si HIBP détecte une fuite, alors agissez immédiatement :
Changez vos mots de passe :
choisissez des mots de passe forts et uniques pour chaque compte, de préférence avec un gestionnaire de mots de passe.
Activez la double authentification (2FA) :
ajoutez une seconde étape de vérification (code SMS ou appli d’authentification) sur vos comptes sensibles. Cela réduit énormément le risque de piratage même si le mot de passe est connu.
Cas extrème : renouvelez votre e-mail
dans le pire des cas (grosse fuite sur votre boîte principale), créez une nouvelle adresse e-mail sécurisée et mettez-la à jour sur tous vos comptes importants.
Ces simples mesures (nouveaux mots de passe + 2FA) suffisent à limiter grandement l’impact de la plupart des fuites. Elles vous apportent aussi une assurance mentale : vous savez que vous avez verrouillé l’essentiel.
3. Supprimez vos comptes et messageries inutiles
Pour réduire votre empreinte, fermez tous les comptes en ligne dont vous n’avez plus l’usage (anciennes messageries, réseaux sociaux obsolètes, sites de rencontres, forums, blogs…). En pratique, cela implique souvent de passer par les pages de suppression dédiées, parfois bien cachées. Des annuaires en ligne facilitent cette tâche :
AccountKiller
recense les procédures pour supprimer des comptes sur plus de 500 sites (Facebook, Gmail, Instagram, etc.). Tapez le nom du service et suivez le guide (parfois un simple bouton « supprimer »).
JustDeleteMe
propose des liens directs vers les pages de désinscription de centaines de services, avec un code couleur indiquant la difficulté
(vert = facile, rouge = difficile).
DeleteYourAccount
fournit des tutoriels détaillés (en anglais) pour supprimer un compte sur de nombreux sites, étape par étape.
Ces outils gratuits vous évitent de chercher à tâtons. Parcourez-les pour chaque service que vous aviez créé. Une fois le compte supprimé, vérifiez que la suppression est effective.
4. Le droit à l'oubli (RGPD)
En Europe, le RGPD vous donne le « droit à l’effacement » : vous pouvez exiger qu’un site ou service supprime vos données personnelles (texte, image, etc.). Pour cela : identifiez d’abord le responsable du traitement (site web, application, organisme). Généralement, son nom et son adresse apparaissent dans la politique de confidentialité ou les mentions légales du site.
Ensuite, rédigez une demande écrite (courriel de préférence) claire :
. Précisez vos coordonnées et identifiez la/des données à effacer (par ex « mes coordonnées, messages et photos sur la page X »).
. Invoquez le RGPD (article 17) en demandant l’effacement de ces données pour motif de vie privée.
. Joignez une preuve d’identité si nécessaire (uniquement si le site en fait la demande pour vérifier que vous êtes bien le propriétaire des données).
Le responsable doit répondre sous un mois et, si votre demande est justifiée, effacer vos données. En cas de refus ou d’absence de réponse, vous pouvez saisir la CNIL (le gendarme français des données personnelles).
5. Nettoyez votre navigateur et activez sa protection
Votre navigateur web stocke des traces : historique, cookies, fichiers temporaires, mots de passe auto-enregistrés… Il faut tout effacer régulièrement dans les paramètres de votre navigateur (généralement Paramètres > Confidentialité, ou via Ctrl+Maj+Suppr). Effacez au minimum l’historique et les cookies. Vous pouvez même activer la suppression automatique à la fermeture du navigateur (option « effacer l’historique en quittant ») pour avoir l’esprit tranquille. Pensez aussi à supprimer les mots de passe enregistrés si votre ordinateur est partagé ou potentiellement accessible à d’autres.
Notre conseil
Activez les protection anti-pistage sur votre navigateur internet, voici comment :
. Firefox allez dans Paramètres > Vie privée et sécurité et choisissez le mode Protection renforcée contre le pistage. En mode « standard » (recommandé), Firefox bloque par défaut les traqueurs publicitaires et les cookies tiers. Vous pouvez monter en « strict » pour plus de blocages (attention, cela peut casser certains sites).
. Chrome dans Paramètres > Confidentialité et sécurité, activez l’option Envoyer une demande « Interdire le suivi ». Sous « Cookies et données de site », cochez « Bloquer les cookies tiers » et « Effacer cookies et données à la fermeture de Chrome ».
. Edge dans Paramètres > Cookies et autorisations de site, réglez sur « Bloquer les cookies tiers » ou « Tout bloquer ». Activez aussi, dans Confidentialité, l’option « Effacer les données à la fermeture » pour que cookies et historique soient vidés chaque fois.
Brave (navigateur open-source basé sur Chrome) se distingue car il bloque par défaut pubs et trackers. Il intègre des « Shields » très efficaces. Firefox aussi est réputé pour sa vie privée : il bloque par défaut la plupart des traqueurs en ligne. En comparaison, Chrome et Edge restent les moins protecteurs car Google/Microsoft collectent davantage de données utilisateur. Si la confidentialité est cruciale, Brave ou Firefox sont souvent recommandés.
Enfin, en navigation courante utilisez ponctuellement le mode privé (incognito) : cela évite de conserver les données de navigation sur votre machine. Mais attention, cela n’occulte pas votre trafic du fournisseur d’accès ou du site lui-même. Pour plus d’anonymat (par exemple pour masquer votre adresse IP), tournez-vous vers un VPN ou Tor Browser, mais ce sont des étapes avancées.
6. Supprimez vos photos et contenus sensibles
Si vous avez posté des photos intimes ou compromettantes (par exemple sur un site de rencontres, réseau social, blog personnel…), effacez-les directement depuis vos profils. Supprimez chaque photo ou supprimez carrément l’album/le post. Si vous n’avez plus accès au compte ou si ces photos ont été reprises par d’autres, agissez rapidement :
Demandez d’abord à la personne qui a publié la photo de la retirer immédiatement.
Si cela échoue, contactez le site ou l’application qui héberge la photo et exigez son retrait. En France, la diffusion d’images privées sans consentement est interdite. Vous pouvez invoquer le droit à l’image et le RGPD pour exiger la suppression. Par exemple, le site doit retirer toute photo vous représentant si vous le demandez, sous peine d’une sanction (diffuser une image intime sans accord peut être puni jusqu’à 1 an de prison et 45 000€ d’amende.
Enfin, après suppression du site, vérifiez à nouveau dans Google Images ou Archive.org s’il n’en reste pas de traces ailleurs (voir sections précédentes).
Ne négligez pas ce point : les images privées peuvent se propager très vite. Agissez dès que possible et fondez-vous sur le principe légal que « votre accord est nécessaire pour diffuser votre image ». En cas de difficulté (site non coopératif), vous pouvez saisir un médiateur numérique ou la CNIL.
7. Consultez les archives du web
Même si vous supprimez un contenu, il peut subsister dans les archives. Archive.org (Wayback Machine) est une vaste bibliothèque en ligne qui capture périodiquement des copies de pages web anciennes. Pour voir si d’anciens contenus vous concernant ont été archivés, saisissez dans la Wayback Machine l’URL du site ou de la page en question. Par exemple, si vous aviez un blog, un profil public, ou que vous savez qu’un site vous mentionnait, vous pourrez en voir la version passée. Cette vérification peut mettre en lumière des publications anciennes, ou des pages supprimées, qui pourraient encore apparaître dans les résultats de recherche.
Conseils pour les plus anxieux
Si vous êtes très inquiet pour votre vie privée en ligne, adoptez une approche progressive et rationnelle. D’abord, prenez conscience qu’aucun effacement total n’est garanti ; l’objectif est de réduire au maximum les risques connus. Travaillez méthode par méthode : commencez par fermer vos comptes les plus sensibles, avant de vous attaquer aux traces moins importantes. Demandez de l’aide à un proche pour vérifier vos démarches si cela vous rassure.
Mettez en place des pauses numériques pour limiter le stress : par exemple, fixez-vous des plages horaires sans smartphone (le soir après 20h, au réveil, etc.). Même les professionnels conseillent de couper l’accès aux écrans sur certains créneaux pour « reposer le système nerveux ». Concentrez-vous sur des activités hors ligne (lecture, sport, sorties) pour éviter de vous focaliser en permanence sur le numérique.
Sur le plan technique, appuyez-vous sur des outils protecteurs pour gagner en sérénité : utilisez un VPN de confiance lorsque vous vous connectez (ce service cache votre adresse IP réelle et chiffre tout votre trafic). Favorisez des moteurs de recherche et des navigateurs axés vie privée (par ex. DuckDuckGo ou Brave) pour limiter la collecte de données. Pensez aussi à crypter vos communications sensibles (applications de messagerie chiffrées, comme Signal). Enfin, rappelez-vous que chaque mesure de sécurité prise (mots de passe forts, authentification à deux facteurs, suppression des données obsolètes) augmente votre protection. Suivre ces bonnes pratiques devrait grandement diminuer vos craintes, sans chercher la perfection impossible.
Le mode incognito dans votre navigateur internet, ne vous protègera pas suffisament, croyez-en votre expert informatique
En suivant ces étapes (audit Google, fuites, suppression de comptes, RGPD, navigateur sécurisé, nettoyage des photos, etc.), vous reprenez peu à peu le contrôle de votre identité numérique. Cela demande du temps et de la persévérance, mais chaque action réduit votre visibilité en ligne et renforce votre vie privée. Au final, il ne s’agit pas forcément de « disparaître totalement » (ce qui est très difficile), mais de limiter au maximum ce que l’on peut trouver sur vous en ligne, et de garder l’esprit tranquille quant à votre sécurité numérique.
Nos sources pour ce guide : CNIL, ionos, webcleaner, bfmtv, cybermalveillance